Organisons la sobriété

 

 

Juliette Duquesne

En parcourant les réseaux sociaux, en lisant les journaux, les appels aux boycotts du Black Friday et d’Amazon se multiplient. Et ce, à côté  des publicités avec des promotions  alléchantes pour nous inciter à … consommer.

La consommation – en constante augmentation – est à la base de notre système basé sur la croissance. Nous consommons trois fois plus qu’il y a soixante ans. Pour parvenir à cette consommation à outrance, des stratagèmes ont été créés afin de réduire toujours un peu plus la durée de vie des produits. L’obsolescence programmée regroupe ces ruses de toutes sortes. Elle revêt plusieurs formes. Elle peut être technique : les fabricants mettent sciemment en place des astuces pour limiter la durée de vie du produit. La plus significative est l’obsolescence esthétique, liée aux effets de mode : par le marketing ou la publicité, on pousse le consommateur à changer constamment de produits, alors qu’ils sont encore efficaces.

En France, 88 % des téléphones portables remplacés fonctionnent encore !

Nous sous-estimons l’impact de la publicité et du marketing. L’acte d’achat est devenu un indicateur social, des classes les plus aisées à celles exclues de la société.

Au sein de cette logique consumériste, nous achetons un produit pour nous récompenser. L’insatisfaction est continuellement entretenue. Ce mode de fonctionnement peut remonter à l’enfance. Dans ces conditions, il n’est pas toujours facile de changer ses habitudes.

Voilà pourquoi plusieurs spécialistes parmi les 60 personnes interrogées pour mener cette enquête sur la croissance, préconisent une réduction, voire une interdiction de la publicité. Ces mesures entraîneraient de forts bouleversements. Aujourd’hui, le consommateur paie indirectement la publicité en achetant des produits. Les prix baisseraient considérablement si la publicité était limitée. Les nombreuses activités financées par la publicité devraient trouver de nouveaux modèles économiques. Les nombreuses activités financées par la publicité, notamment les médias, devraient trouver de nouveaux modèles économiques

Vers plus d’équité

Les 20 % les plus riches de la population mondiale sont responsables de 86 % des dépenses de consommation, alors que les 20 % les plus pauvres concentrent 1,3 % de ces dépenses.

10 % des habitants les plus riches de la planète émettent plus de la moitié des émissions de CO2, alors que la moitié la plus pauvre n’est à l’origine que de 10 % des rejets polluants.

Le mouvement des gilets jaunes a montré qu’il est difficile d’imposer une mesure environnementale, en l’occurrence la hausse de la taxe carbone, sans prendre en compte les inégalités qui ne cessent de s’accroître.

Réduire les inégalités afin de rendre les mesures écologistes plus justes semble indispensable. Dans les pays occidentaux, les élites et les populations les plus riches doivent, sans aucun doute, consentir de plus grands efforts. Cependant, il serait illusoire d’affirmer que ces efforts suffiront et que chacune et chacun d’entre nous pourrait échapper à des mesures de sobriété.

Face à l’urgence environnementale, certains répètent que l’homme a toujours redouté la fin de l’humanité, ou la fin du monde. Cependant, de nombreuses études montrent bien qu’une rupture s’opère après la Seconde Guerre mondiale. Les changements s’accélèrent : l’épuisement de la terre, l’extraction des métaux, les émissions de CO2, la consommation et la pollution de l’eau, ou encore la perte de la biodiversité connaissent des évolutions jamais observées depuis l’origine de l’humanité

En Occident, moins consommer et décroître sont des concepts qui peuvent effrayer. Pourtant, face aux limites de la planète, si nous continuons cette quête de croissance éperdue, nous risquons de vivre une décroissance subie et désordonnée.

Nous pouvons décider de suivre une autre voie : vivre mieux sans croissance, en choisissant la voie de la décroissance organisée.

La source des chiffres cités  dans cette tribune est indiquée dans le livre Vivre mieux sans croissance.

 Journaliste spécialisée dans des thématiques économiques et environnementales, Juliette Duquesne a lancé avec Pierre Rabhi la collection « Carnets d’alerte » (Ed. Presses du Châtelet) dont les premiers titres sont : « Vivre mieux sans croissance » (2019), « l’eau que nous sommes, un élément vital en péril » (2018) « Pour en finir avec la faim dans le monde » et « Les semences. Un patrimoine vital en voie de disparition » (2017), « Les excès de la finance ou l’art de la prédation légalisée » (2017)

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