Des entreprises face à la croissance !
- octobre 05, 2020
- actualités
Arrêter de croître à tout prix ! Essaimer ou continuer de s’endetter ? Choisir un mode de financement éloigné des marchés financiers afin de rester indépendant. Des entrepreneurs engagés nous racontent les difficultés rencontrées et les solutions qu’ils ont trouvées pour ne pas être centrés sur un seul objectif : la croissance du chiffre d’affaires.
Entrepreneur et créateur de nombreux emplois, Christophe Chevalier ne supporte plus ce discours centré sur la croissance : « Nous n’avons pas besoin d’entreprises qui exportent, qui réalisent des croissances à dix chiffres et qui paient des impôts afin de financer la solidarité. Nous entendons ce discours régulièrement lors des débats entre économistes et politiques. Nous n’avons pas besoin d’aumône. Nous avons besoin que chacun ait une place. Les échanges économiques doivent être plus équilibrés. Nous ne devrions pas être dans un monde de la solidarité, mais dans un monde de l’équité. »
« Nous ne devrions pas être dans un monde de la solidarité, mais dans un monde de l’équité »
Cet ancien travailleur social est devenu l’un des plus gros employeurs de sa région, dans la Drôme. Le modèle économique de son entreprise, à Romans-sur-Isère, diffère totalement de celui de l’économie classique. Il ne s’est pas spécialisé dans une activité, mais sur un territoire. Il a cherché toutes les possibilités d’emplois dans sa région. Résultat : mille salariés, dont 60 % en insertion, dans des domaines très divers (sous-traitance industrielle, intérim, société de portage, espace verts…). Autre domaine très symbolique : la fabrication de chaussures. Le groupe Archer l’a relocalisée, jusqu’à créer une « Cité de la chaussure » avec d’autres marques en 2019. La région est historiquement riche de ce savoir-faire. Cependant, les multiples délocalisations de marques de luxe avaient sinistré ce territoire. « La chaussure est une petite activité de notre groupe, mais très emblématique, raconte Christophe Chevalier. Il y a trente ans, ce territoire avait perdu presque toute son industrie de la chaussure. Toutes les entreprises ont coulé de la même manière. L’État est toujours intervenu en mettant des millions, sans aucun résultat. J’ai un avis assez sévère sur ce point : quand l’État arrivait pour relancer la chaussure, il ne créait qu’un emploi : celui du haut fonctionnaire chargé de dépenser les millions… »
Cet entrepreneur décide de ne pas se diriger vers le marché du luxe, mais vers celui de l’artisanat en circuit court : « L’idée n’était pas de mettre des millions. L’objectif de départ était de créer des emplois. La croissance telle qu’elle est calculée ne prend pas en compte le savoir-faire immatériel d’un territoire. Le savoir-faire, ce n’est pas une simple couture sur une chaussure. Un savoir-faire, c’est l’âme, l’ADN d’un territoire ! »
Entrepreneur dans la Drôme, David Reccole, lui aussi, a été confronté à cette problématique de la croissance. Et il ne refera plus la même erreur : rechercher la croissance de son entreprise à tout prix. En 2003, il cofonde une marque de maquillage bio. Les taux de croissance de l’entreprise tournent autour de 300 à 400 % par an. Tout est organisé afin que l’entreprise grandisse : sur les 120 personnes embauchées, 80 l’étaient pour le marketing et le commercial. « Nous avions un très fort endettement avec une masse salariale très importante, témoigne David Reccole. Tous les jours, les chiffres comptaient. Ils étaient le baromètre de l’humeur. La croissance était nécessaire pour payer les salaires. C’était très désagréable ! Mon associé était très dur. Nous ne faisions jamais assez. Selon lui, une force commerciale puissante était indispensable pour grossir. Il voulait occuper le terrain et toujours gagner des parts de marché supplémentaires. »
« Tous les jours, les chiffres comptaient. Ils étaient le baromètre de l’humeur. »
Suite à ces désaccords avec son associé, David Reccole décide de quitter définitivement l’entreprise en 2011. Depuis, il a créé sa propre marque de maquillage bio, Zao : « Grâce à notre système de commercialisation, nous ne nous imposons pas une forte croissance. Nous ne réalisons pas de prospection. Nous ne faisons pas de salons. Notre activité de promotion se borne à être présents sur les réseaux sociaux. »
Contrairement à d’autres secteurs plus sinistrés, David Reccole a créé son entreprise dans un domaine en pleine expansion et bénéficie de son statut de précurseur. Par conséquent, il n’est pas obligé d’« aller chercher » le client. Ce chef d’entreprise n’est d’ailleurs pas opposé à la croissance de sa société, mais il souhaite garder une entreprise familiale où il connaît chaque salarié. « Je suis conscient que je ne serais pas forcément bon pour gérer une entreprise trop grosse, reconnaît-il. Notre taux de croissance est de 30 à 40 % par an. Je ne veux pas plus. Au-delà, je devrais emprunter. J’ai beaucoup souffert dans ma précédente entreprise : nous avions 15 millions de chiffre d’affaires et 8 millions de dettes, cela mettait trop de pression. »
Le financement peut donc avoir un impact sur la façon de gérer car il peut imposer le modèle de gestion et de développement d’une entreprise classique. Christophe Chevalier, gérant du groupe Archer, a par exemple refusé la quête de subventions auprès de la mairie lorsqu’il a relocalisé la fabrication de chaussures à Romans-sur-Isère, car cela aurait pu le contraindre à un type de gestion plus classique.
Il reconnaît cependant que, dans un système continuellement à la recherche de performances financières, les résultats de son entreprise sont loin d’être à la hauteur : « Nous nous en sortons parce que nous avons des actionnaires patients. Sur notre chiffre d’affaires global, quand nous réalisons 1 à 2 % de résultat, c’est le bout du monde. Nous perdons parfois de l’argent et il faut près de trois ans pour le reconstituer. C’est extrêmement compliqué et ce n’est pas rémunérateur, c’est-à‑dire qu’il n’est pas possible pour le système classique de gagner si peu d’argent en ayant ces volumes-là. Chaque salarié nous rapporte trop peu. Nous arrivons à équilibrer, mais nous ne parvenons pas à être riches. Notre objectif n’est pas d’être riches. Je gagne environ 4 000 euros par mois. C’est beaucoup moins qu’à fonction équivalente dans une autre entreprise. »
»Nous nous en sortons parce que nous avons des actionnaires patients »
Il faut veiller à ne pas confondre profits et croissance. Toujours plus de profits ne signifie pas forcément toujours plus de croissance. Dans notre « Carnet d’alerte » sur les excès de la finance, nous avons montré que les multinationales, aujourd’hui de plus en plus financiarisées, multipliaient les plans d’économie envers les salariés et réduisaient les investissements pour verser toujours plus de dividendes. « Nous sommes dans un monde globalisé, souligne Isabelle Cassiers, économiste. Les multinationales peuvent faire plus de profits dans la mesure où elles ont en partie délocalisé leur activité. On peut avoir plus de profits sans croissance pendant un temps, parce que la masse salariale se réduit. Cependant, si l’on veut augmenter le profit sans comprimer tout à fait la part qui revient aux salariés, il importe de créer de nouveaux besoins. Il faut incorporer dans le domaine marchand des secteurs qui ne s’y trouvaient pas. » Pour résumer, la croissance est un moyen possible pour augmenter les profits, mais ce n’est pas le seul.
En France, selon plusieurs spécialistes interrogés, le système favorise les grandes entreprises. Absorber une autre entreprise est encouragé fiscalement. Pour trouver de l’argent, une société se tournera plus facilement vers les marchés financiers car elle aura du mal à se financer auprès des banques. Elle se structurera et mettra en place une gestion afin de convenir aux marchés, une gestion tournée vers la croissance de son entreprise, contrairement à l’Allemagne où les banques régionales sont implantées sur les territoires et sont plus à l’écoute des PME.
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Le rôle crucial du financement
Voilà pourquoi toutes les entreprises que nous avons rencontrées et qui fonctionnent sur d’autres modèles ne sont pas financées par les marchés financiers et favorisent une part d’autofinancement. Plus libres, elles peuvent mettre en place leur propre stratégie, qui n’est pas fondée sur des dividendes en augmentation ou sur une gestion dont l’objectif ne consiste qu’à s’agrandir.
Florent Dunoyer, responsable d’un magasin bio à Die, confirme l’influence du financement dans le fonctionnement de l’entreprise. La Carline est une Société coopérative d’intérêt collectif, c’est-à‑dire qu’elle appartient aux producteurs, aux consommateurs et aux salariés. En trente ans, La Carline n’a jamais réparti le résultat et les écarts de salaires sont inférieurs à deux.
« Au XIXe siècle, on affirmait qu’une entreprise qui se portait bien devait respecter la règle des trois tiers : un tiers pour les patrons, un tiers pour l’entreprise, un tiers pour les salariés, témoigne Florent Dunoyer. Nous, nous avons toujours fait 100 % pour l’entreprise. Cela nous a créé un trésor de guerre. Quand on dégage 5 % de bénéfices, ce n’est pas énorme, ça génère 100 000 euros de résultats. Si, sur ces 100 000 euros, j’en avais pris 33 333 chaque année, plus 33 333 pour les salariés, il ne serait resté que 33 333 euros par an pour l’entreprise. Pour agrandir et rénover notre magasin, nous avions besoin de 500 000 euros sur trois ou quatre ans. J’ai eu recours à l’autofinancement plus qu’une autre entreprise : 50 % d’autofinancement, 50 % d’emprunt bancaire. Je passe pour un fou d’autofinancer des investissements à long terme à 50 %. Pour les entreprises plus classiques, ce taux varie entre 10 et 40 %. Grâce à cet autofinancement, nos plans de financement ne dépendent pas de la croissance de notre activité. »
Charles Kloboukoff, dirigeant et fondateur de Léa Nature, connaît bien les problèmes liés à la croissance d’une société. Son groupe emploie aujourd’hui 1 400 salariés. Le chiffre d’affaires atteint 404 millions d’euros en 2018. Les différentes phases de croissance de l’entreprise se sont accompagnées de certaines tensions. « Nous sommes passés de 72 employés en 1999 à 250 fin 2002, se rappelle Charles Kloboukoff. Ça a été assez brutal. Je ne l’avais pas du tout anticipé. Des collaborateurs et des collaboratrices sont devenus managers par accident. Ils ont accepté de prendre des responsabilités. Certains nous ont alertés : ils n’arrivaient plus à faire leur travail car ils passaient leur temps à encadrer les autres. J’ai appelé cette étape la “première crise de middle management”, c’est-à‑dire la nécessité de structurer et de trouver des encadrants. »
Aujourd’hui, l’entreprise fonctionne comme un village de PME. La plus grosse entité regroupe 60 à 70 personnes. Néanmoins, dans une économie où les rachats d’entreprises sont nombreux, il n’a pas été facile de préserver son indépendance. « Pour cela, j’ai utilisé presque tous les dividendes que j’avais touchés pour le développement de l’entreprise, déclare Charles Kloboukoff. 9 % des capitaux ne sont ni à moi, ni à ma famille, ni aux salariés. Lorsque j’annonce à mes financiers et à ces actionnaires-là que l’entreprise ne sera pas forcément gouvernée pour croître, mais que l’objectif est de “faire du sens” et d’œuvrer à l’intérêt général, ils peuvent se montrer moins intéressés et se dire qu’elle sera moins lucrative. Auparavant, notre secteur d’activité était une niche, nous n’étions pas attaqués par les gros. Désormais, le bio n’est plus une niche… »
« l’entreprise ne sera pas forcément gouvernée pour croître »
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Des entreprises créatrices d’une société conviviale
Avec un secteur bio en pleine expansion pour résister aux acteurs conventionnels qui se mettent à vendre des produits AB, le groupe Léa Nature estime avoir une « croissance forcée » : il considère devoir croître afin de ne pas perdre des parts de marché et risquer de disparaître. Faire face à une concurrence de plus en plus forte est un des problèmes rencontrés par de nombreux acteurs historiques du secteur bio. « Nous savons que la guerre des prix favorise la concentration des pouvoirs économiques, la standardisation et la délocalisation, souligne Charles Kloboukoff, de Léa Nature. Notre grand enjeu est que la quête de sens alimente une croissance substitutive et qualitative. […] Si nous n’y parvenons pas en tant qu’acteur indépendant, nous risquons de laisser la place aux multinationales du conventionnel, qui veulent faire du bio par intérêt plus que par conviction ; et la société risque de retrouver demain le même système. »
Autre objectif de ce dirigeant d’entreprise : empêcher un rachat de sa société. « Transmettre l’entreprise Léa Nature à une fondation ou à un fonds de dotation aurait beaucoup de sens pour moi. Cela permettrait de la transmettre à un organisme qui œuvre pour l’intérêt général. L’entreprise ne serait plus rachetable. »
Du groupe Léa Nature (1 400 salariés) aux plus petites structures, la propriété des entreprises est un point capital pour l’invention de nouveaux modèles économiques qui ne soient pas axés sur la seule recherche de la croissance d’une société comme moyen de dégager plus de profits. « Le statut de coopérative protège beaucoup des possibles méfaits de la croissance, assure Florent Dunoyer, du magasin biologique La Carline. Nous ne pouvons pas vendre notre fonds de commerce. Je ne peux pas être dirigeant et partir avec une partie de la richesse au prétexte que j’ai contribué à la créer. »
Dans les secteurs environnementaux engagés depuis des dizaines d’années, se positionner face à la croissance du secteur bio n’est pas toujours simple. Certains ne veulent pas atteindre une taille trop importante afin de ne pas devoir « entrer dans la logique du système » ; d’autres craignent, comme nous l’avons évoqué, de laisser la place à des acteurs qui font du bio par opportunisme.
Le domaine de la vente de produits alimentaires bio est un secteur clé pour l’avenir. Imaginons que tous les produits soient bio, mais que nous les achetions tous en supermarché : la grande distribution aurait la main sur les prix. Comme aujourd’hui avec le conventionnel, les agriculteurs risqueraient de rencontrer des difficultés pour vivre de leur production. Voilà pourquoi La Carline rémunère correctement les agriculteurs avec lesquels elle travaille et privilégie des produits et des paysans du territoire.
« Le statut de coopérative protège beaucoup des possibles méfaits de la croissance »
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Essaimer plutôt que croître
Afin de transmettre ces valeurs de proximité, La Carline a décidé de croître autrement en essaimant. « Dans le cadre du Groupement régional alimentaire de proximité en Rhône-Alpes, nous avons décidé d’être un relais sur la vallée de la Drôme pour l’essaimage et l’accompagnement d’activités, détaille Florent Dunoyer. Nous aidons les projets à se créer. Puis, lorsque le projet est lancé, nous fournissons des services de support comme la comptabilité, la gestion des fiches de paie, le logiciel de caisse… Si le projet réussit, nous prélevons une quote-part du résultat pour financer cela. » En deux ans, La Carline a déjà accompagné cinq activités (une épicerie associative, un fournil, des chocolatiers…).
Selon ce dirigeant d’une structure engagée, nous ne parviendrons pas à résoudre la crise écologique tant qu’écologie et économie seront opposées : « Les citoyens doivent se ressaisir de la question économique. Il ne faut pas qu’ils aient peur de parler de capital, de bénéfices, de résultats, d’investissement, d’endettement… Le changement ne se fait que par l’économie. Est-ce que les coopératives sont l’expérimentation de la démocratie dans l’entreprise ? Bien sûr que oui. C’est une démocratie de l’action ! »
« Les citoyens doivent se ressaisir de la question économique »
Même souci de démocratie économique et d’essaimage pour Christophe Chevalier, du groupe Archer. Avec une entreprise de mille salariés, cet entrepreneur de territoire estime que sa société a atteint la taille critique. Par conséquent, il a mis en place « Start-up de territoire » afin de lancer d’autres créations d’entreprises. Le but de Start-up de territoire est de mobiliser un territoire, des chefs de PME aux réfugiés. Politiques, jeunes, chômeurs, membres des chambres d’industrie et de commerce se réunissent sans protocole ni distinction de fonctions. « Nous avons été complètement dépassés, raconte Christophe Chevalier. 1 495 personnes étaient inscrites à notre dernière soirée. Nous créons des tables de travail de huit à quinze personnes, animées par des professionnels formés à des méthodes de créativité. Ces méthodes permettent à chacun d’avoir sa place. Chaque groupe de travail propose une solution entrepreneuriale à un problème. Start-up de territoire n’apporte pas des solutions, mais une méthode pour que chacun trouve ses solutions. »
Une fois créée, la solution entrepreneuriale est mise en œuvre par un porteur de projet qui est accompagné. Voici un exemple de projet émergé lors d’un des groupes de travail : remettre en place la consigne de bouteilles en verre, au lieu de les déposer dans un conteneur où elles seront cassées, transportées et recyclées. « Pour ce projet, toute la filière de jus de fruits et les brasseurs de la région sont concernés et soutiennent la consigne, souligne Christophe Chevalier. Ce sont des projets collectifs. La porteuse de projet a mis en place un groupe de travail et a trouvé des aides pour avoir le temps de creuser cette idée. »
» Start-up de territoire n’apporte pas des solutions, mais une méthode pour que chacun trouve ses solutions. »
En 2019, Start up de territoire a été lauréat du Programme d’investissement d’avenir dans la catégorie territoire d’innovation. Résultat : le projet recevra 22 millions d’euros. Grâce à cet argent, dans la région de Romans-sur-Isère, 100 entreprises nouvelles devraient être créées d’ici 5 ans. Six autres territoires ont déjà lancé le même concept. L’objectif est d’atteindre cinquante lieux dans les cinq ans à venir.
Ces exemples d’innovation sociale montrent bien qu’il n’y a pas un seul modèle, une seule solution à appliquer dans toutes les régions. « La question est de savoir comment l’État peut soutenir ces innovations sociales et territoriales sans reprendre la main et imposer sa marque, indique Olivier De Schutter, rapporteur spécial sur les droits de l’homme et l’extrême pauvreté. Beaucoup de ces initiatives ne se déploient pas si elles ne correspondent pas à la motivation des acteurs d’un territoire. Les collectivités publiques doivent être modestes et ne pas prétendre faire les choses à la place des personnes. Cependant, il ne faut pas laisser croire non plus que le bénévolat en soirée et le week-end suffit. »
Créer de nouveaux modèles économiques d’un point de vue microéconomique ou macroéconomique, loin de l’objectif de la croissance du PIB, ouvre de nombreuses possibilités, un champ considérable à explorer, bien loin des multiples études réalisées et publiées par les économistes de la pensée dominante. « C’est ubuesque ! s’exclame Henri Sterdyniak, économiste. Lorsque vous comparez les problèmes d’aujourd’hui avec l’état des travaux des sciences économiques, il y a deux mondes ! Vous trouverez des milliers d’articles sur des sujets sans intérêt, mais les travaux un peu prospectifs sont relativement rares. »
Certains souhaiteraient que nous nous inspirions davantage de modèles économiques déjà mis à l’épreuve des faits, comme ceux issus de l’économie sociale et solidaire. D’autres imaginent dans le futur une autre société, radicalement différente. L’Institut Momentum a établi un scénario d’anticipation qui envisage un effondrement d’ici 2050. Dans ce scénario, la région Île-de-France changerait profondément. En voici un exemple : « On imagine créer des emplois dans le démontage des grandes surfaces, indique Agnès Sinaï, journaliste. Il faudra gérer les périphéries, le délitement de tous ces immenses hangars, ainsi que les entrées des villes qui sont aujourd’hui des horreurs, impraticables pour un piéton. […] Une agence par biorégion pourrait être créée, dotée de paysagistes, d’horticulteurs, d’ouvriers qui démonteront ces structures et s’occuperaient de leur reconversion. »
Organiser la sobriété dans la société et notamment au sein du monde de l’entreprise demande de l’innovation sociale, de nouveaux modèles ancrés sur les territoires, et contrairement aux idées reçues, ces témoignages montrent qu’il est possible de créer des emplois dans une région en créant des dynamiques de coopération à condition que chaque acteur ne soit pas seulement centré sur la croissance du chiffre d’affaires.
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Juliette Duquesne
Pour plus d’informations : Pierre Rabhi, Juliette Duquesne, Vivre mieux sans croissance, les Presses du Châtelet, 2019.
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