Tout n’est pas lié au changement climatique !
- septembre 05, 2023
- Lutter contre les idées reçues
Ces dernières années, progressivement, le changement climatique a pris le dessus sur tous les autres problèmes environnementaux. Les associations, les politiques, une grande partie de la société civile résument les problématiques environnementales au seul changement climatique. Même ceux qui en ont conscience continuent souvent de commettre cette erreur, cela permet de gagner en visibilité avec ces mots clés.
Le changement climatique, une conséquence de notre société de surconsommation
Il ne s’agit pas, bien évidemment, de nier le changement climatique et encore moins d’amoindrir ses conséquences. Les émissions de gaz à effet de serre ont bien augmenté de plus de 50 % depuis la première Cop, en 1995. Si nous maintenons ce rythme, nous risquons d’atteindre un réchauffement de 4 degrés au cours de ce siècle, bien loin des 1.5 à 2 degrés auxquels les pays -qui avaient signé les accords de Paris- s’étaient engagés. Sans oublier l’élévation du niveau de la mer ou des précipitations de plus en plus irrégulières.
Tout d’abord, le changement climatique est une conséquence, parmi d’autres, de notre système et non une cause. Les rédacteurs en chef des journaux sont davantage intéressés par les reportages traitant des conséquences plutôt que des causes. Cette tendance est problématique car cela ne permet pas d’analyser et de remettre en cause les structures de nos sociétés, à l’origine des problèmes environnementaux.
Afin de mieux comprendre, comparons avec le produit intérieur brut, le fameux PIB, au centre de la plupart des débats économiques. Beaucoup déplorent le fait que nous comparons les pays qu’en ne comptant les biens et les services échangés pendant une année, sans prendre en compte d’autres indicateurs tels que l’espérance de vie, les inégalités… Concernant l’environnement, c’est le même constat, le changement climatique n’est pas le seul problème. Il ne faut pas oublier la pollution des sols, de l’eau, la perte de la biodiversité…
Tout d’abord, le changement climatique est une conséquence, parmi d’autres, de notre système et non une cause.
L’eau et le changement climatique
Prenons l’exemple de l’eau, particulièrement significatif. le fait de montrer du doigt le seul changement climatique est une façon de ne pas remettre en cause notre consommation en eau. Nous continuons de rechercher de nouvelles ressources en eau sans diminuer notre demande. Les prévisions de pénurie sont établies par rapport à la consommation actuelle, qui est sans cesse en progression. À l’échelle de la planète, au cours du XXe siècle, le prélèvement d’eau a augmenté 1,7 fois plus vite que la population.
L’exemple très médiatisé de la ville du Cap, en Afrique du Sud, est révélateur. En 2018, on y a plusieurs fois redouté le « jour zéro » d’une coupure d’eau totale. Le changement climatique a été désigné comme l’une des principales causes de ce désastre. Or, la réalité est un peu plus complexe. Le changement climatique est révélateur de dysfonctionnements. Les autorités locales ont tardé à réagir et à mettre en place des mesures de restriction pour l’usage de la vie quotidienne. Dans le cas de l’Afrique du Sud, un point essentiel est rarement abordé : l’agriculture. Dans ce pays, l’irrigation prélève 64 % des ressources en eau. Magalie Bourblanc, chercheuse au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement m’a rappelé qu’aucune remise en cause de l’agriculture n’a été réalisée. On parle beaucoup de la consommation d’eau des touristes, mais on n’évoque jamais celle des nombreuses exploitations agricoles, autour du Cap, qui cultivent des fruits, des agrumes et des vignes en grande partie pour l’exportation.
La FNSEA, principal syndicat agricole, prend comme prétexte justement le changement climatique
En France, des choix agricoles sont également à l’origine de l’asséchement de certaines régions. Afin de continuer à produire des céréales pour nourrir ces animaux, l’Etat encourage la construction de retenues d’eau. Dans le marais Poitevin, les premières mégabassines ont commencé à être construites. Financées par de l’argent public, ces bassines stockent l’eau l’hiver, de l’eau pompée dans les nappes phréatiques ou les rivières afin d’irriguer le maïs l’été.
La FNSEA, principal syndicat agricole, prend comme prétexte justement le changement climatique. Et ce ne sont pas les seuls à « se servir » du changement climatique. Un nouveau marché fleurit : le dessalement de l’eau de mer. Les unités de dessalement sont souvent gérées et encouragées par les multinationales de l’eau. La perspective de possibles pénuries attise de nombreux appétits économiques. Le chercheur Mohamed Larbi Bouguerra a beaucoup milité contre le dessalement en Tunisie. Sans grand succès, hélas, à cause des pots-de-vin. Il a très souvent entendu dire : “Le réchauffement climatique est à l’origine de la sécheresse. Donc, dessalons.” Or, quand vous dessalez, vous participez au réchauffement. Une unité de dessalement est très gourmande en électricité, même si des progrès ont été réalisés. Autre problème : que faire des résidus de sel ? Ces résidus sont une bombe à retardement et peuvent créer plein de petites mers mortes.
Les énergies renouvelables et le changement climatique
Autre exemple intéressant : pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre, il est préconisé d’investir massivement dans les énergies renouvelables.
Afin d’éviter tout malentendu, précisons qu’au cours des entretiens avec les différents spécialistes aucun d’entre eux ne s’est prononcé contre les énergies renouvelables. Tous encouragent la conversion vers ce type d’énergie. Mais la plupart alertent aussi sur le fait qu’il faut de la sobriété car les énergies renouvelables consomment beaucoup de métaux. Selon les travaux du chercheur en minéralogie Olivier Vidal, si nous continuons sur cette lancée pour satisfaire nos besoins d’ici 2050, nous aurons extrait plus de métaux que l’humanité ne l’a fait depuis son origine.
Il est néfaste de ne compter qu’en émissions de gaz à effet de serre
Par conséquent, encore une fois, il est néfaste de ne compter qu’en émissions de gaz à effet de serre car cela pourrait se traduire par des pénuries de métaux, sans même parler des multiples pollutions causées par leurs extractions.
Des solutions marchandes dangereuses
Cette focalisation médiatique sur le seul changement climatique pourrait également avoir pour conséquence de parvenir à imposer des solutions technologiques hasardeuses afin de capter le CO2, voire de contrôler le climat. Des solutions marchandes où l’homme risque de s’improviser apprenti sorcier ! J’ai eu l’occasion de rencontrer le politologue Paul Ariès. Et il s’inquiète du fait qu’avec la géo-ingénierie, le capitalisme a vraiment la possibilité d’abîmer encore plus la Terre et l’humanité, en pensant pouvoir en vain transformer la planète à sa guise. Le grand public n’est pas suffisamment conscient de cette problématique. Paul Ariès ne croit pas du tout que nous vivons la crise finale de notre modèle basé sur la croissance du produit intérieur brut.
Des solutions marchandes où l’homme risque de s’improviser apprenti sorcier !
Intérêts économiques, simplification des problématiques, possibilité de continuer au sein du même système basé sur la croissance et la fuite en avant technologique, les raisons de mettre en avant le seul changement climatique et les émissions de gaz à effet de serre sont nombreuses. Néanmoins, soyons vigilants ! Même si traiter du changement climatique est souvent une façon de parler au moins … un peu d’environnement, cette focalisation trompeuse ne permet de trouver et de construire un modèle de société respectueux de l’humain et de la planète.
Juliette Duquesne
Informer rigoureusement prend du temps. Chaque chiffre, chaque donnée doivent être vérifiés et sourcés. Or ,il n’est pas facile de trouver un modèle économique permettant de réaliser des enquêtes journalistiques de longue haleine et d’en garantir tout à la fois l’indépendance. C’est pourquoi nous avons recherché des soutiens avec lesquels nous partageons cette valeur commune.
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