Les  nouveaux OGM sont bien des OGM !

Les OGM transgéniques : des plantes pesticides

Aujourd’hui, les OGM sont en grande majorité cultivés en Amérique du nord et du Sud. Ce sont à plus de 99 % des plantes pesticides c’est-à-dire que ces plantes tolèrent un herbicide à volonté, sans jamais en mourir ou bien elles fabriquent elles-mêmes l’insecticide.

Au sein de l’union européenne, la culture d’OGM reste marginale. La France n’en cultive pas. Mais elle en importe. On estime que 90 % du bétail élevé en France peut avoir été nourri avec des OGM.

C’est d’ailleurs en France que la contestation  contre les OGM a commencé, avec la multiplication de fauchages lorsque des OGM étaient cultivés dans des champs au début des années 2000.

On estime que 90 % du bétail élevé en France peut avoir été nourri avec des OGM

L’Europe a  mis en place une règlementation assez restrictive pour autoriser la culture de ces OGM. En France, une loi en 2014  a même interdit la culture de tous les maïs OGM sur le territoire.

Ces OGM sont des OGM transgéniques. Cela signifie que nous avons introduit dans la plante au moins un gène provenant d’une espèce à laquelle elle n’appartient pas.

Ce sont encore ces OGM qui sont cultivés en grande majorité dans le monde.

Le risque des nouveaux OGM

Mais des « nouveaux OGM » se développent. Ce sont des nouvelles techniques de modification de génome, qui impliquent non pas d’introduire un nouveau gène mais de directement modifier le génome existant. Parmi ces techniques il existe, CrispR, des ciseaux ADN qui permettent, par exemple, d’induire une mutation.  Il est dorénavant possible de rendre des plantes tolérantes à un herbicide sans introduire un gène d’une autre espèce.

Plusieurs études et sondages ont montré que les Français et les Européens ne veulent pas d’OGM et la législation est plus restrictive. Des multinationales aimeraient donc que ces nouvelles techniques de modification de génome ne soient pas soumises à la même règlementation européenne que celles des OGM transgéniques.

 

 

 

Il est dorénavant possible de rendre des plantes tolérantes à un herbicide sans introduire un gène d’une autre espèce.

Sans cette réglementation, plus aucune traçabilité, nous ne serions plus au courant que nous sommes en train de manger des fruits, légumes ou céréales issus de nouveaux OGM.

Aujourd’hui, ces nouveaux OGM ne sont-en principe- pas cultivés en France. Mais certaines variétés de colza et tournesol ont été rendues tolérantes aux herbicides. La culture de ces « OGM cachés » a  poussé des associations et  des syndicats agricoles à saisir le conseil d’Etat qui a, lui,  fait appel à la Cour de justice européenne.

Et, la cour de justice européenne a tranché en 2018 : ces nouveaux OGM doivent être classés comme les OGM transgéniques !

Aujourd’hui, ces nouveaux OGM et ces OGM cachés sont donc soumis à la même législation que les OGM transgéniques.

Mais la commission européenne s’active sur ce sujet et pourrait bientôt les dérèglementer.  C’est un sujet essentiel qu’il faudra ces prochains mois car difficile de suivre ces mutations dans la nature qui risquent de contaminer des champs aux alentours jusqu’à nos assiettes même si celle-ci est composés de produits bio !

Pourquoi des associations,  des syndicats agricoles et des chercheurs s’opposent-ils à ces nouveaux OGM ?

Tout d’abord, comme pour les OGM transgéniques, nous connaissons mal l’impact de ces techniques. Yves Bertheau est  phytopathologiste. Depuis 1999, il travaille notamment sur la traçabilité des OGM. Il m’a expliqué qu’avec  ces ciseaux ADN, on peut rater sa cible. C’est plus précis qu’avec les canons à particules des OGM classiques. Mais, pour essayer de changer une lettre du génome, il faut tout casser…

Daniel Evain confirme. Cet agriculteur bio  est responsable  de la problématique OGM à la fédération national de l’agriculture biologique. Daniel Evain est ingénieur agronome de formation et il a travaillé pour Monsanto. Il m’a confié que lorsqu’il était employé par cette multinationale de l’agroalimentaire,  l’argument était de dire que balancer des microbilles de tungstène avec de l’ADN dans les cellules, afin de produire des plantes transgéniques, était un acte chirurgical de haute précision. Aujourd’hui, les mêmes personnes vous assurent que les anciens OGM étaient assez aléatoires, mais qu’aujourd’hui la précision est chirurgicale. À l’endroit où vous voulez modifier l’information génétique, c’est en effet très précis. Mais les ciseaux peuvent ensuite se balader n’importe où dans le génome. Il y a des effets non intentionnels qu’il faut évaluer.  Daniel Evain craint que si ces nouveaux OGM sont dérégulés, il en cultive sans le savoir ou alors que son champ soit contaminé par des cultures avoisinantes.

Il y a des effets non intentionnels qu’il faut évaluer

Selon de nombreux défenseurs de l’environnement, la distinction ne devrait pas s’établir entre les semences modifiées par mutagenèse (c’est-à-dire quand on modifie le génome) et celles obtenues grâce à la transgénèse (c’est-à-dire quand on introduit à un nouveau gène), mais entre celles conçues en plein champ et celles réalisées en laboratoire, où l’on recrée une plante entière à partir d’une seule cellule isolée.   Eric Meunier est journaliste à InfoGM et il est spécialiste de cette question. Il détaille ces différences : la mutagenèse in vitro, en laboratoire, n’est pas naturelle, la mutagenèse a lieu spontanément dans la nature, sans quoi elle ne pourrait évoluer. Mais Eric Meunier précise aussi qu’à sa connaissance, aucun organisme ne se reproduit à partir d’une  cellule.   Travailler sur culture de cellules génère des milliers, voire des millions de mutations qui n’ont pas lieu dans la nature. En prenant une cellule et en l’isolant de son organisme, on l’isole aussi de tous les mécanismes de régulation que l’on ne connaît pas forcément.

Pour quelles utilisations créées ces nouveaux OGM ?

Ces nouvelles techniques ne devraient pas modifier le type de plantes qui pourront être créées.  Ces « nouveaux OGM » devraient encore aboutir à des « plantes pesticides ».

D’autres applications sont possibles, mais elles n’apportent pas d’innovations majeures. Les sélectionneurs essaient parfois de recréer des variétés en mettant en avant des caractéristiques particulières par exemple, « enrichies en vitamines ou en minéraux. » Des traits qui existent déjà dans les variétés traditionnelles, à cette nuance près que, cette fois, l’information génétique a été brevetée.

En effet, vingt ans après leur commercialisation, aucun OGM « miracle » n’a vu le jour. Comme je vous le disais au début de cet épisode, la quasi-totalité des plantes génétiquement modifiées tolèrent ou fabriquent un pesticide. Ce type d’OGM est plus rentable et plus simple à créer. Ces aliments ne nourrissent pas les paysans pauvres, mais le bétail des élevages industriels des pays occidentaux.

En effet, vingt ans après leur commercialisation, aucun OGM « miracle » n’a vu le jour.

Une étude de l’Inra et du CNRS, reposant sur mille quatre cents travaux, montre que l’utilisation massive d’herbicides avec les plantes tolérantes a provoqué la multiplication de mauvaises herbes résistantes. Ce problème n’est pas spécifique aux OGM. Il se posait lorsqu’un agriculteur utilisait sans réserve la même molécule pour traiter son champ. Mais, avec ces plantes tolérantes, le phénomène a pris une ampleur inquiétante et jamais constatée.

Avec l’apparition de mauvaises herbes et d’insectes résistants, on constate que les anciens OGM ont déjà  un impact sur l’écosystème. En 2010, une étude américaine a montré que 80 % du colza sauvage le long des routes du Dakota du Nord était devenu transgénique. Les plants contenaient au moins un gène tolérant à un herbicide. Jacques Testart, pionnier de la fécondation in vitro l’affirme : on ne maîtrise pas la technique OGM. Avec les années, les plantes génétiquement modifiées entraînent des changements définitifs dans leur environnement. Avec les OGM, ce qui est grave, c’est l’irréversibilité. Les insectes mutants qui ingèrent l’insecticide sans en mourir seront mangés par les oiseaux, et ainsi de suite. C’est un peu comme l’effet des battements d’ailes du papillon : les conséquences peuvent être discrètes, elles n’en sont pas moins graves…

Pourquoi les multinationales essaient-elles d’autoriser la culture de ces nouveaux OGM ?

Tout simplement, parce qu’ils accélèrent la privatisation du vivant.

En Europe, en 2020, on comptait  3500 brevets sur des plantes. De nombreux gènes de tomates, de salades ou de poivrons appartiennent aux semenciers pour une utilisation commerciale. Lorsqu’elles découvrent une simple information génétique, les multinationales revendiquent une modification, même minime, voire quasi inexistante, puis elles la brevètent.

En Europe, en 2020, on comptait  3500 brevets sur des plantes

Les associations dénoncent un double discours des semenciers, qui veulent breveter les « nouveaux OGM » et revendiquent donc des innovations. Cependant, lorsqu’on évoque l’évaluation, ils affirment que ces nouvelles techniques sont proches des procédés naturels.

Afin de ne pas dépendre totalement de ces multinationales et de conserver une part d’autonomie alimentaire, il est essentiel, de cultiver des semences libres et reproductibles, des semences paysannes qui s’adaptent mieux à l’agriculture biologique, à l’agroécologie qui n’appartiennent pas à des entreprises…

Juliette Duquesne

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